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vendredi 2 juin 2017

Le retour affectif du marabout











Une décision récente de la cour d’appel du 20 avril a condamné un homme, pour crédulité galopante, en le déboutant de toutes ses demandes, contre un féticheur nègre blanchi de n’avoir, ni tenu, ni même livré, aucune de ses promesses

Un problème de retour d’affection
 Monsieur B[1] se retrouva abandonné du jour au lendemain par sa compagne, partie cavaler ailleurs. Suite à cette rupture affective contrainte, il prit deux décisions, l’une bonne, l’autre mauvaise, sans bien réfléchir à la portée de ses actes. La première fut de consulter un psy. Lequel lui diagnostiqua un syndrome anxio dépressif, dont on ignore, hélas, le traitement. Et c’est bien dommage pour la suite de cette affaire.

La seconde, catastrophique, fut de faire appel à un marabout, en se fiant au texte d’une annonce parue dans un gratuit local vantant les mérites suivants : « 'grand médium célèbre aux dons surnaturels, spécialiste des problèmes d'amour, travail rapide et efficace'. » Célèbre ça marche toujours. D’ailleurs ce qualificatif aide les anonymes à mieux se faire connaitre. On ne se méfie toujours des inconnus, jamais des fausses vedettes aux éloges factices. Grand c’est mieux que petit. Les nimbus obèses consomment abusivement cette qualité, dans leurs réclames, pour allonger leurs prétentions tarifaires ! Surnaturel, surtout sans silicone, signe les illusionnistes du fantastique. Ainsi que les retours boomerang de leurs baguettes magiques de perlimpinpin. Dans la présente affaire c’était encore insuffisant. Monsieur B aurait dû s’adresser au premier meilleur, des meilleurs du monde, et même de toute la galaxie. Ce personnage de comédie existe. Un spécimen, gros, lourd, adipeux, visqueux, laid se présente au public avec «le ferme désir d’aider les gens» gratuitement, parait-il! Il accepte volontiers de recevoir des euros en coupures de 100, si on lui en propose. Il refuse en revanche les cartes bancaires. Modeste et moderne ne vont pas de pair avec cet hurluberlu. Il déclare posséder le don de double vue. Sans jamais l’avoir prouvé, ni montré son titre de propriété. Certainement faut-il le soumettre au contrôle du taux d’alcoolémie pour s’en assurer. Combien de degré d’alcool dans le sang, pour voir les verres en double, et les éléphants roses défiler en tutus ?

Après avoir déboursé la somme de 11.662,35 euros, en 14 règlements, étalés sur une année, la belle qui s’était fait la malle ne revenait toujours pas. La 7e merveille de la voyance aurait-elle mieux réussi que le devineur noir ? Pas certain du tout. Une affaire de taille de la buse parait-il ! Avec les cruches ne jamais faire le ballot.

La fin du deuil affectif coïncida avec le dernier règlement. Monsieur B, constatant l’échec du marabout, décida de lui demander des comptes afin de l’inciter à recracher « le pognon ». Il l’assigna en réclamant le remboursement de la somme versée de 11 662,35 euros, 4000 euros de dommages et intérêt, et 20 000 euros pour inexécution par le marabout de son engagement. C’était faire preuve, d’un nouvel accès considérable de crédulité, celui de croire aux promesses d’équité de l’institution judiciaire, incapable de les tenir. En se confiant à un avocat inexpérimenté, visiblement ignorant de la manière dont les juridictions traitent la naïveté en justice. Sans accorder de prime. La crédulité caractérise, depuis plusieurs années, une spécialité judiciaire à part entière. Des faux voyants aux transferts de fonds Express. Des poses de systèmes photovoltaïques à domicile, aux pratiques réputées trompeuses de l’article L.120-1 du code de la consommation.

Le Tgi débouta Monsieur B de ses demandes, contre le marabout, au motif qu’il n’y avait ni dol, ni erreur, ni promesse de résultat.

Ravalant sa déception, et prenant son courage à deux mains, Monsieur B représenta à nouveau ses demandes cette fois en appel…inutilement.

Son affaire comporte un grand classique non résolu : l’absence de preuve de l’existence d’un contrat passé entre le client et le marabout. Les relations se résument régulièrement à un échange de propos verbal, non accompagné d’accord écrit, suivi de versements successifs de sommes d’argent. Pas de preuves. Dans leurs actions judiciaires les clients dupés, mal conseillés par leurs avocats, essaient de contourner ce problème en agitant les manquements aux principes contractuels

La cour reprocha en principal à Monsieur B de s’être adressé au « grand médium célèbre aux dons surnaturels, spécialiste des problèmes d'amour, travail rapide et efficace. » Pourquoi ?  Parce que « contracter en connaissance de cause avec un marabout, ne constitue pas une méprise sur la personne avec laquelle on contracte. La croyance erronée dans les pouvoirs magiques ou surnaturels du marabout, qui heurte le sens commun, ne constitue pas une erreur excusable. »

« Un consommateur normalement averti ne pouvait considérer qu'avec circonspection les proclamations du marabout sur ses dons surnaturels.» Il existe d’autres moyens, pour faire revenir une femme qui vous a quitté, que de s’adresser au premier féticheur récemment débarqué d’Afrique, en lui demandant de faire résonner le tintamarre des tambours de la jungle. A défaut il est préférable d’en chercher une autre de femme, si nécessaire, vu l’offre surabondante.

Verser, volontairement, en 14 règlements successifs, sur la durée d’une année, sans mettre en évidence de manœuvre trompeuse quelconque pour obtenir ces sommes, de la part du marabout, ne permet pas d’agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause pour se faire rembourser. Cela s’appelle libéralité généreuse, à défaut d’un autre mot à la sonorité déplaisante à entendre pour les oreilles.

L’argent fut encaissé, la femme s’était envolée sans espoir de retour ! Faire appel à un marabout, ou à tout autre faux voyant de même espèce, était une décision inappropriée. L’histoire ne dit pas si l’infidèle était de mèche avec le griot africain pour se partager les 11 000 euros fifty fifty. Tout est possible !

Faire prendre en compte la souffrance
Le retour d’affection est un sujet grave méritant de la considération, car il y a souffrance. L’affaire de Monsieur B aurait connu une toute autre issue en étant mieux exploitée. Ce qui ne fut pas le cas, son avocat l’a enfoncé en commettant des maladresses successives. Dans ce genre de situation, il est d’abord préférable de prendre conseil, avant toute décision de payer le faux voyant, ou de procéder en justice, auprès d’un spécialiste en traitement de la crédulité. La réaction irrationnelle n’est pas aussi incohérente que le juge l’a soutenu. Il y a une situation de discernement à considérer, malheureusement évacuée dans ce dossier, par l’avocat. Dont le juge ne fut jamais saisi, et sur laquelle il existe une absence de motivation, car le juge n’avait pas l’obligation légale de statuer. Ce commentaire ne dira rien sur la méthode à suivre. Car cette rubrique est lue autant par les faux voyants, que par leurs victimes.

Le juge de la cour d’appel sanctionna la crédulité, en considérant Monsieur B en pleine possession de ses moyens intellectuels, sans tenir compte de sa vulnérabilité affective. Ni non plus de ses idées délirantes psychotiques. En se taisant, par omission, sur la livraison obligatoire de la promesse dans le délai de 30 jours. De ce point de vue, la décision, relative, de la cour apporte aux faux voyants, de nouveaux espoirs de prospérer durablement sur le terreau rentable des chagrins d’amour. En exploitant le lucratif filon des laissé(e)s pour compte, et des abandonné(e)s. La recette est simple : encaissez, ne promettez rien, le juge vous absoudra en sanctionnant la crédulité de vos clients. Les mots clés sont faciles à retenir : spécialiste des problèmes d’amour, travail rapide et efficace.

Pour une fois que la justice donne un mode d’emploi, les faux voyants devraient se montrer reconnaissant, pour cet encouragement juridictionnel à persévérer dans l’abus de la naïveté de leurs clients, en versant 10% de leurs gains au profit de la caisse des crédules anonymes.

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[1] A la demande des parties les identifications sont anonymisées



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